Recherche directe de la matière noire et double désintégration bêta sans neutrinos
Malgré le succès du modèle standard de la physique des particules (MSPP), plusieurs résultats expérimentaux suggèrent que cette théorie est incomplète. L'équipe Xénon est engagée, ici, dans la recherche autour de deux des questions encore ouvertes : la possible présence de matière noire dans l'univers et la compréhension de la masse non nulle des neutrinos.
La Matière Noire est l'un des constituants fondamentaux de l'Univers, cinq fois plus abondante que la matière ordinaire. Plusieurs mesures astronomiques corroborent aujourd’hui son existence alors qu'en parallèle son observation directe sur Terre confirmerait son existence et pourrait mettre en lumière ses propriétés. Les expériences actuelles de détection directe de matière noire étudient les modèles les plus probables qui peuvent être soit des WIMPs (Weakly Interacting Massive Particles) soit des WISPs (Weakly Interacting Sub-eV Particles), comme par exemple des particules super-symétriques, les axions ou encore des particules du secteur caché. L’effort expérimental est mondial autour de cet objectif. Cependant, les interactions des particules de matière noire avec la matière ordinaire sont si faibles qu'elles ont, jusqu’à présent, échappé à la détection directe, obligeant les scientifiques à construire des détecteurs de plus en plus performants. Dans le contexte de la recherche directe de matière noire, les membres de l’équipe Xénon sont fortement engagés dans les projets XENONnT, DARWIN, DAMIC-M et NEWS-G.
La double décroissance bêta sans émission de neutrinos implique que les neutrinos soient identiques à leurs antiparticules, ce que les physiciens appellent des particules de Majorana. En physique des particules, la mise en évidence de ce phénomène montrerait l’existence d’une « nouvelle physique » au-delà du modèle standard, puisque cela impliquerait une violation de la conservation du nombre leptonique total. Cette décroissance particulière pourrait également être reliée à l’asymétrie entre matière et antimatière et aurait un grand impact en cosmologie. Dans ce cas, comme les photons, ils devraient être leurs propres antiparticules et pourraient alors s'annihiler en violant la conservation du nombre leptonique.
Depuis de nombreuses années, les physiciens tentent de surprendre cette forme très particulière et très rare de radioactivité par double désintégration bêta, notamment attendu dans la décroissance de l'isotope 136 du Xenon, en développant de grandes expériences internationnales. S'appuyant sur son expertise en détection avec le Xénon, le laboratoire SUBATECH s'est joint au programme nEXO, l'équipe participe également à cette recherche à travers les expériences XENONnT et R2D2.
Imagerie médicale nucléaire
L’imagerie moléculaire SPECT (Single Photon Emission Tomography) et PET (Positron Emission Tomography) a impacté de manière significative le domaine médical en améliorant en particulier le diagnostic en oncologie. Le dépistage de plus en plus efficace du cancer est un enjeu de société majeur et nécessite des moyens de diagnostic performants. D’autre part, le défi de la médecine personnalisée, qui consiste entre autres a adapté le traitement à chaque patient, implique un suivi thérapeutique plus régulier et par conséquent une imagerie plus fréquente. Tous ces arguments vont dans le sens de proposer des caméras capables de délivrer rapidement des informations pertinentes pour le diagnostic tout en minimisant l’impact potentiel sur la santé des patients. Au niveau international, l'amélioration des technologies existantes et le développement de nouvelles modalités d'imagerie visent en premier lieu à réduire la dose reçue par les patients lors des examens médicaux. Toutefois, une autre conséquence de l'augmentation de la sensiblité des caméras existantes est la possibilité de produire en cours d'examen des images sur de courtes durées d'acquisition et ainsi de filmer en temps réel le mouvement des zones ciblées par le radiopharmaceutique, ouvrant des perspectives vers des études cinétiques. Plusieurs axes de recherches sont actuellement explorés de par le monde afin d'améliorer l'imagerie PET, comme :
- L'augmentation du champ de vue des caméras qui a déjà été réalisée par le consortium Explorer initié par des universités aux États Unis.
- L'amélioration de la précision de la mesure du temps de vol qui a donné naissance au défi 10 ps lancé par plusieurs laboratoires de l’In2p3 au niveau national.
- La mesure de la profondeur d’interaction dans les cristaux pour réduire l’effet de parallaxe; cette recherche étant essentiellement menée par des groupes japonais.
Le projet XEMIS (XEnon Medical Imaging System) initié au laboratoire SUBATECH vise principalement à réduire d'un facteur 100 environ la dose reçue par un patient lors d'un examen médical. Pour atteindre à plus long terme cet ojectif ambitieux, une nouvelle modalité d'imagerie à 3 photons couplée à une nouvelle technique de détection basée sur le xénon liquide est étudiée par notre équipe. Elle combine d'une certaine manière les avantages des trois axes de recherche précédemment évoqués. En effet, l'accroissement du champ de vue de la caméra est faciliitée par les détecteurs monolithiques tels que les TPC (Time Projection Chamber) au xénon liquide en comparaison des caméras plus classiques avec des cristaux segmentés. La méthode d'imagerie à 3 photons devrait permettre une localisation de l'émetteur (bêta,gamma) le long de la LOR (Line Of Response) de l'ordre du cm, ce qui équivaut à une résolution en temps de vol de l'ordre de 30 ps. Enfin, la détermination des lieux des intéractions d'un photon gamma dans la TPC n'est pas affectée par l'effet de parallaxe intrinsèque aux détecteurs à cristaux segmentés où la profondeur de ces intéractions n'est pas mesurée.
Les applications potentielles de ce concept d'imagerie à 3 photons associé à un détecteur au xénon liquide ne se limitent pas à l'oncologie. Le contrôle en ligne de l'irradiation des patients par faisceau de particules dans le cadre de la hadronthérapie ou encore la détection d'inhomogénéités dans les matériaux pour des applications industrielles sont envisageables.