La collaboration JUNO publie ses premiers résultats de physique, avec des contributions majeures de Subatech

Le 19 novembre 2025, la collaboration JUNO a annoncé la publication de ses premiers résultats de physique, seulement deux mois après le début de la prise de données à l’Observatoire souterrain de neutrinos de Jiangmen (JUNO). Après plus d’une décennie de conception et de construction, JUNO est désormais pleinement opérationnel et fournit déjà des mesures de précision de tout premier plan en physique des neutrinos.
À partir de données collectées entre le 26 août et le 2 novembre 2025, correspondant à seulement 59 jours effectifs de fonctionnement, JUNO a mesuré les paramètres dits d’oscillation des neutrinos solaires, θ₁₂ et Δm²₂₁, avec une précision 1,6 fois meilleure que celle de l’ensemble des expériences précédentes combinées. Ce résultat confirme la légère tension mise en évidence précédemment entre les mesures basées sur les neutrinos solaires et celles basées sur les antineutrinos de réacteurs, une question que JUNO est particulièrement bien positionné pour traiter grâce à sa sensibilité simultanée à ces deux canaux.
Les performances du détecteur et les premiers résultats de physique ont été soumis le 18 novembre pour publication et mis en ligne sur le serveur de prépublications arXiv [1,2].
Améliorer la précision sur les paramètres d’oscillation des neutrinos solaires permet à la fois d’explorer en profondeur la physique fondamentale des neutrinos, de renforcer la cohérence globale des résultats d’oscillation, d’exploiter pleinement les neutrinos comme sondes du Soleil, et de garantir les objectifs de précision des expériences de grande envergure actuelles et futures.
Contributions de Subatech au premier résultat de JUNO
Subatech, Nantes Université, IMT Atlantique, CNRS IN2P3, est fortement impliqué dans l’expérience JUNO depuis 2014, avec des contributions couvrant l’instrumentation du détecteur, l’analyse statistique et l’interprétation physique.
En étroite collaboration avec les équipes de l’APC et d’IJCLab, l’équipe Subatech a également été impliquée dans des développements stratégiques majeurs de JUNO. Sous la direction de l’équipe APC/IJCLab, Subatech a participé à la conception, au développement et à la coordination du design du détecteur à double calorimétrie, une première du genre, approuvé par la collaboration en 2015. Ce développement a introduit dans l’expérience un nouveau sous-système majeur, dit auxiliaire, constitué d’environ 25 000 photomultiplicateurs de trois pouces, ou petits PMT, fournissant une calibration en énergie complémentaire et précise du système principal basé sur les grands PMT [3,4]. Subatech a été activement impliqué dans cet effort, tant sur le plan scientifique que méthodologique, et a contribué à établir la double calorimétrie comme un élément central de la physique de précision de JUNO. Au-delà de la calorimétrie de haute précision pour les neutrinos de réacteurs, le détecteur à double calorimétrie renforce les capacités de JUNO pour la recherche de la désintégration du proton [5] et pour le suivi précis des muons cosmiques.
Par ailleurs, en collaboration avec l’APC, IJCLab et le LP2i Bordeaux, ce dernier étant en charge des tests, des développements récents et de la construction du système de petits PMT, Subatech a contribué aux tests et à la validation de l’ASIC de lecture CATIROC utilisé sur la carte électronique ABC, conçue par l’équipe APC en 2014-2015 pour le système de petits photomultiplicateurs [6]. Cette chaîne électronique constitue un élément clé de la double calorimétrie de JUNO et est déjà utilisée dans le cadre de la calibration du système de grands PMT employé dans les premières publications de JUNO.
Du point de vue de l’analyse, Subatech et l’APC/IJCLab ont conjointement joué un rôle moteur dans les études de sensibilité de JUNO aux paramètres d’oscillation solaires, y compris l’article de sensibilité publié en 2021 sur θ₁₂ et Δm²₂₁ [7], qui a posé les bases des premiers résultats de physique actuellement en cours de publication.
« Notre équipe neutrinos de Subatech a contribué à la première mesure d’oscillation de trois manières complémentaires », a déclaré le Professeur Frédéric Yermia de Nantes Université, responsable de l’équipe neutrinos de Subatech. Le groupe a participé, en étroite collaboration avec l’APC et IJCLab, au développement et à la validation des méthodes statistiques et des outils d’analyse utilisés pour extraire les paramètres d’oscillation à partir du spectre en énergie reconstruit des antineutrinos. En particulier, Subatech a joué un rôle clé dans les études de sensibilité statistique qui ont permis d’identifier quels paramètres pouvaient être mesurés de manière robuste avec un jeu de données réduit à seulement 59 jours. « Ces études ont directement motivé la décision de se concentrer sur la mesure des paramètres d’oscillation solaires », a ajouté le Professeur F. Yermia.
En complément, l’équipe Subatech a conçu la « procédure de contrôle des biais », qui a été adoptée par l’ensemble des groupes d’analyse de JUNO. « Ce cadre commun est un élément critique pour garantir la robustesse et la fiabilité des résultats présentés », a ajouté Benoît Viaud, CNRS, membre de l’équipe neutrinos de Subatech.
Vers un programme de physique à long terme
JUNO est conçu pour une durée de vie scientifique attendue de l’ordre de dix ans. L’expérience déterminera l’ordre de masse des neutrinos, avec au moins 6,5 années d’exposition nominale, mesurera les paramètres d’oscillation avec une précision inférieure au pourcent, étudiera les neutrinos solaires, atmosphériques, de supernova et géoneutrinos, et recherchera des phénomènes de physique au-delà du Modèle Standard.
Subatech continuera à jouer un rôle actif dans JUNO à travers des analyses de haute précision, des études instrumentales et la formation de jeunes chercheurs. Avec IJCLab, en France, Subatech dirige un sous-groupe de scientifiques issus de plus de sept pays sur trois continents, engagé dans un effort visant à exploiter davantage le potentiel scientifique de JUNO [8].

Références
- [1] arXiv:2511.14590 https://arxiv.org/abs/2511.14590
- [2] arXiv:2511.14593 https://arxiv.org/abs/2511.14593
- [3] JHEP 03 (2021) 004, DOI: 10.1007/JHEP03(2021)004 https://link.springer.com/article/10.1007/JHEP03(2021)004
- [4] JHEP 2024, 2 (2024), DOI:10.1007/JHEP12(2024)002 https://link.springer.com/article/10.1007/JHEP12(2024)002
- [5] Chinese Physics C, DOI: 10.1088/1674-1137/ace9c6 https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1674-1137/ace9c6
- [6] JINST 16 (2021) 05, P05010 https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1674-1137/ac8bc9
- [7] Chinese Physics C, DOI: 10.1088/1674-1137/ac8bc9 https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1674-1137/ac8bc9
- [8] Sci Rep 12, 5393 (2022). https://doi.org/10.1038/ https://www.nature.com/articles/s41598-022-09111-1
