A la dernière conférence ICONE 30 (International Conference on Nuclear Engineering) qui se tenait à Kyoto du 21 au 26 mai 2023, Hugo Laffoley a obtenu le prix « Best papers Award » pour la présentation de ses travaux sur la Synthèse expérimentale de microparticules contenant du Césium simulant celles retrouvées près de FukushimaDaiichi (photo ci-dessous).

Hugo, doctorant à l’Ecole doctorale 3M, mène ses travaux thèse en expérimentation sur les accidents graves au CEA Cadarache en co-tutelle avec Subatech.

HL ICONE30



Dans le cadre du projet Cigéo, l’ANDRA envisage de stocker les déchets radioactifs de type HA (haute activité) et MA-VL (moyenne activités-vie longue) dans des alvéoles de stockage à 500 mètres sous terre selon le projet CIGEO. Pour assurer la sureté du stockage, le principe repose sur un concept multi-barrières qui vise à empêcher la migration des radioéléments dans l’environnement (figure 1-a).

Argilite
Figure 1 :
Schéma en coupe du concept multi-barrières français pour le stockage des déchets de type HA (a) et vue en coupe des expériences BACUCE mise en place par l’IRSN (b).

Pour les déchets de type HA, les radioéléments sont piégés dans la structure d’un verre borosilicaté, coulé dans un fût en acier inoxydable. Ce fût est lui-même placé dans un surconteneur en acier faiblement allié et cet ensemble constitue le colis de déchets. Les différents colis sont ensuite insérés dans un tube composé d’un acier proche de celui du surconteneur. Ce tube d’une centaine de mètres de longueur est directement inséré dans l’argilite de Bure, laissant un espace résiduel entre les deux matériaux.  Cet espace est rempli par un coulis cimentaire aux propriétés particulières, qui remplit différentes fonctions dans le stockage. Notamment, son bas pH lui permet de préserver le verre d’une dissolution rapide, mais le pH doit être suffisamment élevé pour passiver l’acier et contrer l’acidification qui pourrait s’opérer dans le milieu argileux à cause de la présence d’oxygène résiduel. Ce matériau présente également une bonne injectabilité, grâce à la présence de lubrifiants solides (minéraux en feuillet) dans sa composition et de par sa fluidité.

Néanmoins, la distance d’injection étant importante, il est possible qu’une partie du tube ne soit pas totalement recouverte par le matériau cimentaire. L’eau porale du site finirait donc par combler les hétérogénéités, ce qui pourrait avoir un impact sur la corrosion du tube d’acier. Dans ce contexte, l’IRSN a mis en place une série d’expériences in-situ au laboratoire souterrain de Tournemire (Expériences BACUCE). Ces expériences visent à mieux appréhender les phénomènes de corrosion s’opérant en contexte de stockage géologique profond, en investiguant l’effet de la température, de la présence de souche bactérienne et de la présence d’hétérogénéité spatiales sur la corrosion d’acier en milieu anoxique. La figure 1-b présente un schéma d’une vue en coupe des expériences BACUCE.
                                                                                                                                                                                                                                                            Photographie prise lors de mise en place des expériences
                                                                                                                                                                                                                                                                                            BACUCE 3, 4 et 5

BACUCE

En parallèle, Subatech a monté une expérience maquette qui a permis d’avoir un suivi plus régulier de l’évolution de l’ensemble du système au cours du temps, c’est-à-dire, de l’évolution de l’eau porale, de la minéralogie du matériau cimentaire et des produits de corrosion formés.
Ces expériences ont pu mettre en exergue un phénomène de corrosion localisée lié à la présence d’ions sulfures (HS-) libérés par le coulis cimentaire, ainsi qu’à la présence d’oxygène résiduel piégé dans la porosité du matériau cimentaire. Des vitesses de corrosion anormalement élevées ont été mesurées durant les premiers mois de l’expérience qui a duré 1 an. La formation de piqures mesurant jusqu’à 160 µm a également été observée sur une durée de 150 jours d’interaction. Suite à l’épuisement de ces sources de sulfures et d’oxygène, une couche de magnétite (Fe3O4), oxyde de fer à valence mixte, se forme permettant ainsi la passivation de l’acier. Les vitesses de corrosion chutent et la profondeur des piqures n’augmente plus avec le temps. Cette couche de magnétite est à son tour déstabilisée en silicate de fer/sulfures de fer, phénomène provoqué par la libération de silicium et d’une deuxième source de sulfure provenant du coulis cimentaire. Ces transformations s’opèrent à la fois à la surface de l’acier et dans le coulis cimentaire où le fer a pu diffuser et précipiter sous forme de produits de corrosion.

A titre d’exemple, la figure 2 montre une cartographie élémentaire MEB (microscopie électronique à balayage) de l’interface acier-coulis cimentaire après 147 jours d’interaction à 80°C en milieu anaérobique.

Cartographie MEBFigure 2: Cartographie MEB d’une interface acier-coulis cimentaire après 147 jours d’interaction

Ces processus de corrosion et de transformations minéralogiques ont pu être mis en évidence grâce à l’analyse de l’évolution du système dans son ensemble et au couplage de différentes techniques analytiques (MEB, µ-Raman, DRX, µ-Xct). Les différentes observations expérimentales ont pu être confirmées par la modélisation géochimique. Cette étude est le fruit d’une collaboration fructueuse entre Subatech (équipes Radiochimie et MNDL), l’IRSN, Mines ParisTech, l’IMN et le LPG dans le cadre du projet EURAD-ACED et a fait récemment l’objet d’une publication (Goethals et al., 2023).

Goethals, J., De Windt, L., Wittebroodt, C., Abdelouas, A., de la Bernardie, X., Morizet, Y., Zajec, B., Detilleux, V., 2023. Interaction between carbon steel and low-pH bentonitic cement grout in anoxic, high temperature (80°C) and spatially heterogeneous conditions. Corros. Sci. 211, 110852. https://doi.org/10.1016/j.corsci.2022.110852

 

Photos Guerard Montavon Galland

Ilustration formules

Elément chimique le plus rare sur Terre, l’astate est fort prometteur pour des applications en radiothérapie ciblée des cancers. Dans cette approche, les progrès dépendent d’une meilleure connaissance de la chimie de cet élément. Des chercheurs des laboratoires CRCINA, Subatech et CEISAM publient dans la prestigieuse revue Accounts of Chemical Research une rétrospective sur 15 années de leurs travaux. Les plus fondamentaux ont permis d’établir la nature des différentes formes stables de l’astate dans l’eau (diagramme de Pourbaix) ou de révéler sa capacité à former des interactions par liaison « halogène », une interaction attractive très spécifique et directionnelle. La détermination de l’affinité électronique de l’astate, rendue possible par une collaboration avec l’organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN - Suisse), est également essentielle pour mieux appréhender son comportement chimique. La production du radioisotope astate-211 par le cyclotron ARRONAX a aussi permis le développement de nouvelles méthodes de synthèse radiochimiques et un vrai bond en avant concernant son utilisation en thérapie des cancers. La Région des Pays de la Loire soutient ces travaux depuis 2005 ; ils ont également bénéficié de financements du Programme d’Investissements d’Avenir (Laboratoire d’Excellence IRON et Équipement d’Excellence ArronaxPlus) et du SIRIC ILIAD, et placent aujourd’hui Nantes comme principal acteur mondial de la recherche sur l’astate. Cette reconnaissance se distingue à l’échelle européenne par la création d’un réseau clinique international (action COST NOAR) qui vise à démontrer que l’astate-211 peut devenir la norme européenne pour le traitement de certaines pathologies cancéreuses.

Guérard, F., Maingueneau, C., Liu, L., Eychenne, R., Gestin, J.-F., Montavon, G. & Galland, N. Advances in the Chemistry of Astatine and Implications for the Development of Radiopharmaceuticals. Acc. Chem. Res. 54, 3264–3275 (2021)

      

Dix ans après l’accident nucléaire à Fukushima, les études pour comprendre les causes et les conséquences de la catastrophe nucléaire continuent. Après l'accident, les 3 cœurs des réacteurs ont fondu, produisant plusieurs centaines de tonnes de corium et de débris de combustible, générant en permanence de la chaleur par la décroissance radioactive des produits de fissions présents dans le corium.
Coordonnée par Subatech, une collaboration avec le JAIEA, Université de Kyshu et de l’Université technologique de Tokyo au Japon et le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) a été initiée pour résumer la recherche de ces dix années après l’accident.
Ces études sont cruciales pour toute planification du démantèlement des réacteurs.
L'évolution temporelle de la chimie des eaux et des inventaires en radionucléides lixiviés des débris par l'eau de refroidissement a été étudiée.  Une comparaison entre les rapports de concentration des actinides et des produits de fission mesurés dans l'eau et les résultats des études de lixiviation des combustibles nucléaires usés ou des débris simulés en laboratoire a été menée à bien.
Comme pour la lixiviation du combustible usé au laboratoire, les fractions des inventaires de 134,137Cs qui sont analysées dans l'eau de refroidissement sont des ordres de grandeur plus importants que ceux des actinides. Après plus de 10 ans de contact entre les débris de combustible et l'eau, les taux de libération de 137Cs restent plus élevés que ceux des actinides même si le taux de rejet de 137Cs des débris a diminué d'un facteur 100 environ pendant cette période. La fixation des actinides dans les débris est forte. La stabilité élevée de la fixation des actinides dans les débris rend viable l’option de l'élimination directe des débris de combustible comme déchet dans des conteneurs appropriés après le démantèlement des réacteurs dans le futur.
Accès à l’article : "Ten years after the NPP accident at Fukushima : review on fuel debris behavior in contact with water, Journal of Nuclear Science and Technology", https://doi.org/10.1080/00223131.2021.1966347
Auteurs : Bernd Grambow, Ayako Nitta, Atsuhiro Shibata, Yoshikazu Koma, Satoshi Utsunomiya, Ryu Takami, Kazuki Fueda, Toshihiko Ohnuki, Christophe Jegou, Hugo Laffolley& Christophe Journeau (2021)
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Etat des coeurs des réacteurs à Fukushima en 2018: a) unité 1; b) unité 2, c) unité 3. En bleu: l'eau de refroidissement écoulant, les coeurs sont largement fondus et une grande partie est tombée sur le beton au fond, réferences:  Mizokami S, Rempe JL. The Events at Fukushima Daiichi. Reference Module in Earth Systems and Environmental Sciences . Elsevier; 2020.

 

La radiolyse des carbonates (CO32-), étudiée dans l'équipe Radiochimie du laboratoire SUBATECH et utilisant le faisceau d'irradiation du cyclotron Arronax en collaboration avec le laboratoire ISTerre, pourrait être l'explication de l'origine de la vie terrestre? En effet, la radiolyse des ions carbonates a permis de produire la matière organique nécessaire au développement de la vie sur terre, permettant ainsi le passage d'un monde inorganique à un monde organique.
Ces travaux, issus d'une collaboration avec Laurent Truche, géochimiste à l'Institut des Sciences de la Terre à l'Université Grenoble Alpes, dirigés à Subatech par Johan Vandenborre, chargé de recherche CNRS, sont publiés dans la revue Earth and Planetary Science Letters.
Sur le même sujet un article a été publié dans Quanta Magazine pour lesquels ont été interviewés Johan Vandenborre, Laurent Truche et Bénédicte Menez, géobiologiste à l'Institut de physique du globe de Paris.
Accès à l'article --- > https://www.quantamagazine.org/radioactivity-may-fuel-life-deep-underground-and-inside-other-worlds-20210524/
Quanta Magazine podcast ----> https://d2r55xnwy6nx47.cloudfront.net/uploads/2021/08/quanta-169_Radioactive-Life_FINAL.mp3

image origine de la vie        Radiolysis Team at ARRONAX CyclotronRadiolyse Subatech de gauche à droite : Johan Vandenborre (responsable - chargé de recherche),
Guillaume Blain (ingénieur), Vincent Fiegel (postdoctorant),
Emeline Craff (doctorante), Simon Guillonneau (Stagiaire Master 2)