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Le groupe SEN s'est interesse à la physique appliquée du neutrino.

Les neutrinos et leurs oscillations

 Au cours de la dernière décennie, plusieurs expériences ont confirmé le caractère massif des neutrinos. Ces expériences ont mesuré leur capacité à changer de saveur leptonique [1]. Les paramètres de ces oscillations de saveur sont désormais connus en majorité, il reste cependant une forte incertitude quant à la valeur de l’angle de mélange θ13 dont dépend la valeur de la phase δ caractérisant la violation de la symétrie CP dans le secteur leptonique. Les antineutrinos émis par les réacteurs nucléaires sont utilisés depuis les tout débuts de la physique du neutrino pour étudier leurs propriétés fondamentales. Notamment Reines et Cowan ont mis en évidence expérimentalement l’existence de ces particules en plaçant un détecteur près du réacteur de Savannah River en 1956 [2]. Depuis, plusieurs expériences pionnières ont été menées par des équipes françaises, et notamment celle de Chooz qui a fourni la meilleure contrainte sur la valeur de θ13 dont on disposait jusqu'a mi-2011 [3]. A cette date, les experiences MINOS et T2K qui peuvent mesurer les apparitions de neutrinos electroniques dans un faisceau de neutrinos muoniques aux Etats-Unis et au Japon respectivement [4][5] ont effectivement vu des neutrinos electroniques apparaitre, indication d'un angle de melange θ13 non nul, resultat renforce par un fit combine des experiences de neutrinos solaires avec Kamland [6], Minos et T2K [7]. Des mesures plus precises de cet angle de melange ont pu etre obtenues en 2012 par les experiences de disparition menees pres de reacteurs nucleaires : Double Chooz [8], Daya Bay [9] et Reno [10]. Le dernier resultat de l'experience Double Chooz [11], dans laquelle le groupe ERDRE est fortement impliqué, fait etat de 8249 antineutrinos electroniques mesures sur 227.93 jours de prise de donnees (live time) dans le detecteur lointain situe a 1050m des deux reacteurs de type N4 de la centrale de Chooz, expose a 33.71 GW-tonne-ans (puissance reacteur x masse detecteur x livetime). On attendrait 8937 evenements dans l'hypothese d'un angle de melange θ13 nul. Le deficit est interprete comme une preuve de disparition d'antineutrinos electroniques. A l'aide d'une analyse en normalisation et en forme du spectre en energie des antineutrinos mesures, on obtient la valeur suivante : sin213 = 0.109 ± 0.030(stat) ± 0.025(syst). Les donnees excluent l'hypothese de zero-oscillation a 99.9% CL (3.1σ).

A priori il y aurait 3 saveurs de neutrinos. Mais il y a quelques années l'expérience LSND a observé un signal qui pourrait etre expliqué par l'existence de neutrinos stériles, n'interagissant que par l'interaction gravitationnelle. Ce signal n'a ete confirmé par aucune expérience mais n'a pu etre totalement exclu par de nouvelles mesures. En 2011, un nouveau calcul des spectres d'antineutrinos a abouti a de nouveaux spectres pour les principaux noyaux fissibles 235U, 239Pu, 241Pu, and 238U [12], normalises environ 3% plus haut que les spectres de reference precedents. Cette renormalisation a donne lieu a une reanalyse des resultats des experiences de neutrinos des reacteurs des annees 80 et 90. La synthese des experiences dont la distance aux reacteurs est inferieure a 100m donne un rapport entre flux mesure et flux predit de 0.943±0.023, deviant de 1 a 98.6% CL [13]. Ce deficit est appele "anomalie reacteur". Une des hypotheses possibles est l'existence de neutrinos steriles, dans un domaine different cependant de l'experience LSND, Δm2 ≈ 1 eV2 [14]. Le groupe est implique dans l'experience Nucifer (collaboration avec le CEA), dont l'une des motivations de physique est la mesure d'oscillations a courte distance d'un reacteur, avec un detecteur place a 7m du reacteur de recherche OSIRIS de Saclay, ainsi que dans le projet SoLid conçu principalement pour la detection des neutrinos steriles.

Un nouvel outil de surveillance des réacteurs nucléaires : les antineutrinos

Au cours des recherches sur les propriétés fondamentales des neutrinos auprès de réacteurs nucléaires, l’idée est née que ces antineutrinos transportent une image directe du cœur d’un réacteur nucléaire à distance et pourraient être utilisés pour leur contrôle [17].

En effet, quantités d’antineutrinos sont émis par un réacteur nucléaire, de l’ordre de 1021ν/s pour un réacteur de puissance 1 GWe. Ces antineutrinos proviennent de la décroissance β des produits de fission. La distribution des produits de fission dépend de l’isotope qui a fissionné (principalement 235U, 238U, 239Pu et 241Pu) et de l’énergie des neutrons incidents. L’énergie libérée par fission, le nombre moyen d’antineutrinos émis par fission et leur énergie moyenne diffèrent également selon l’isotope qui subit la fission (cf. Tableau 1).

 

235U

238U

239Pu

241Pu

Released energy per fission (MeV)

201.7

205.0

210.0

212.4

Mean energy of antineutrinos (MeV)

1.46

1.56

1.32

1.44

Number of antineutrinos per fission (E>1.8 MeV)

5.58

(1.92)

6.69

(2.38)

5.09

(1.45)

5.89

(1.83)

Tableau 1 : Characteristiques principales des antineutrinos generé apres la fission du 235U, 238U, 239Pu and 241Pu in standard EPR [18,19].

Deux expériences pionnières réalisées auprès de la centrale nucléaire de Rovno dans l’ancienne URSS et auprès de la centrale de Bugey ont démontré la corrélation entre le flux d’antineutrinos mesuré et la puissance thermique de ces réacteurs mesurée par les opérateurs [20,17]. Mikaelian et al. ont de plus démontré la relation directe entre le flux et le spectre en énergie des antineutrinos émis et la puissance thermique et le contenu isotopique du voeur du réacteur [21]. A puissance de réacteur fixée, le flux et le spectre en énergie des antineutrinos émis dépendent de la variation du contenu en combustible du cœur. Par exemple, un réacteur hypothétique qui fonctionnerait avec un combustible uniquement constitué d’235U produirait un flux d’antineutrinos 40% plus élevé qu’un réacteur identique consommant uniquement du 239Pu. Si l’on utilise la réaction bêta inverse pour détecter ces antineutrinos, on obtiendrait un écart entre les deux flux de 60%. L’estimation de la puissance thermique avec les antineutrinos requière la connaissance de l’historique du combustible chargé dans le réacteur (sa composition initiale et la simulation de son évolution temporelle).

Les antineutrinos ne fournissent pas seulement des informations sur la puissance thermique d’un réacteur nucléaire mais également sur leur contenu fissile (leurs taux de fission), ouvrant ainsi la possibilité de les utiliser pour plusieurs applications : le suivi de la consommation du combustible (« burnup »), et la lutte contre la prolifération des armes nucléaires. L’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) est l’agence des Nations Unies en charge du développement de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire et doit veiller à l’application du Traité de Non-Prolifération des Armes Nucléaires. L’AIEA a ainsi demandé à ses états membres de déterminer si les antineutrinos des réacteurs pourraient constituer un nouvel outil de lutte contre la prolifération [22].

 

ENGLISH VERSION

Bibliographie

[1] S. Fukuda et al., Phys. Lett. B, 359, 179-187 (2002). KamLAND: K. Eguchi et al., Phys. Rev. Lett., 90, 021802 (2003). SNO: Q. R. Ahmad et al. Phys. Rev. Lett. volume 89, No. 1, 011301 (2002). MINOS: D.G. Michael et al., Phys. Rev. Lett. 97, 191801 (2006)

[2] C.L. Cowan, Jr., F. Reines, F.B. Harrison, H.W. Kruse and A.D. McGuire, Science 124, 103 (1956).

[3] Apollonio, M. et al., 2003. Search for neutrino oscillations on a long baseline at the CHOOZ nuclear power station. Eur. Phys. J. C27 (2003) 331-374.

[4] P. Adamson et al., Phys. Rev. Lett. 107, 181802 (2011).

[5] K. Abe et al., Phys. Rev. Lett. 107, 041801 (2011).

[6] KamLAND Collab., Phys. Rev. D83, 052002 (2011).

[7] G.L. Fogli, E. Lisi, A. Marrone, A. Palazzo, A.M. Rotunno, Phys. Rev. D84, 053007 (2011). T. Schwetz et al., New J.
Phys. 13, 109401 (2011).

[8] Y. Abe et al., Phys. Rev. Lett. 108, 131801 (2012).

[9] F. P. An et al., Phys. Rev. Lett. 108, 171803 (2012).

[10] J. K. Ahn et al., Phys. Rev. Lett. 108, 191802 (2012).

[11] Y. Abe et al., Phys. Rev. D 86, 052008.

[12] Th. Mueller et al., Phys. Rev. C83, 054615 (2011). P. Huber, Phys. Rev. C84, 024617 (2011).

[13] G. Mention et al., Phys. Rev. D83, 073006 (2011).

[14] K. N. Abazajian et al., http://arxiv.org/abs/1204.5379.

[15] K. Schreckenbach et al., Phys. Lett. 99B, 251 (1981). K. Schreckenbach et al., Phys. Lett. 160B, 325 (1985). F. von Feilitzsch, A. A. Hahn and K. Schreckenbach, Phys. Lett. 118B, 162 (1982). A.A. Hahn et al., Phys. Lett. B218 (1989) 365.

[16] M. Fallot et al. http://arxiv.org/abs/1208.3877.

[17] Mikaelian, L.A., 1977, Proc. Int. Conf. Neutrino-77, v.2, p.383.

[18] Kopeikin V. I., Mikaelyan L. A., and Sinev V. V., 1997. Spectrum of electronic reactor anti-neutrinos. Phys. Atom. Nucl. 60 (1997) 172.

[19] Vogel P. et al., 1981. Reactor Anti-neutrino Spectra and Their Application to Anti-neutrino Induced Reactions. Phys. Rev. C24 (1981) 1543.

[20] Klimov, Yu.V., Kopeikin, V.I. . Rev, Mikaélyan, L.A., et. al., 1994. Neutrino method remote measurement of reactor power and power output. Atomic Energy, 76, No.2, 123-127.

[21] Korovkin, V.A. et. al., 1988. Measuring nuclear plant power output by neurtino detection. Atomic Energy, 65, No. 3, 712-718.

[22] IAEA report 17-18 December 2003 «  Meeting to evaluate Potential Applicability of Antineutrino Detection Technologies for Safeguards Purposes "