Modélisation du sens électrique au sein des projets RAAMO et ANGELS
Dans les années 50, Lissmann fut le premier à postuler qu'il existait des poissons dits "à champs électriques faibles" qui émettaient un champ électrique et qui disposaient de récepteurs pro-pres à ce champ. Peu après cette hypothèse, il mis en évidence l'existence d'une certaine famille de ces récepteurs. Suite à cette découverte, il était devenu clair que le poisson électrique percevait son envi-ronnement par un sens qui était jusque là inconnu: le sens électrique. Par la suite des biologistes se sont investis sur cette thématique afin de caractériser ce sens (à quelles formes de stimuli le poisson électrique associait-il les obstacles, ses proies ou ses congénères? comment le poisson pouvait-il re-constituer la forme et la distance de divers objets d'intérêt? etc.) créant ainsi un courant de recherche sur l'électrolocation, i.e. la capacité à percevoir son environnement au moyen du sens électrique, qui va de pair avec la modélisation mathématico-physique de ce sens. Ainsi, en 1996 Rasnow et Assad ont construit un premier modèle physique d'image électrique d'une sphère sur la peau d'un poisson à champs électriques faibles. Avec le développement rapide des machines de calculs, Mc Iver et al. ont ensuite exploré la possibilité de représenter l'évolution de l'image électrique sur la peau du poisson pendant la capture d'une proie...
Depuis une dizaine d'années, en parallèle aux avancées des biologistes, un courant bio-mimétique influence la robotique et des équipes multi-disciplinaires de chercheurs se sont formées pour tester notre compréhension du vivant sur des robots. Ainsi, Mc Iver et ses collaborateurs ont été les premiers à créer une perception électrique artificielle inspirée des poissons électriques. Toutefois, le système expérimental était assez rudimentaire (un couple d'électrodes émettrices servant à créer le champ électrique et un couple d'électrodes réceptrices, le tout fixé sur un robot cartésien), de même que les objets considérés, de sorte que les enjeux en termes de modélisation physique du sens électrique (calculer le champ basal émis par un capteur de même que la modification résultant de la présence d'une perturba-tion externe) étaient assez limités; malgré cela l'algorithme utilisé pour la détection et la localisation des objets était très consommateur en temps de calcul, ce qui interdisait toute recherche "en temps réel". Plus récemment, des projet nationaux (ANR RAAMO) et internationaux (projet FET ANGELS) ont vu le jour, dont un des objectifs principaux est le recours au sens électrique pour permettre la navigation d'un robot anguilliforme autonome (RAAMO), voire même les actions concertées de plusieurs robots capables de communiquer et de s'assembler en un seul.
Toutefois les travaux antérieurs des biologistes sur la modélisation du sens électrique passaient essentiellement par l'utilisation de méthodes numériques lourdes -- par exemple de type éléments de frontière (BEM) -- qui ne peuvent donner lieu à une implémentation en temps réel pourtant nécessaire en robotique. Sollicités pour participer à ces deux projets, nous avons notamment collaboré en vue d'établir une réduction de modèle basée sur la méthode des réflexions qui nous a permis d'aboutir à un modèle rapide et bien calibré utilisé ensuite par les roboticiens dans leur algorithme de reconnaissance d'objets et de locomotion autonome. La figure ci-dessous illustre ainsi la modulation des courants à travers les 3 électrodes réceptrices d'un capteur longiligne en présence d'une sphère externe qui se déplace selon la direction Ox de l'axe du capteur et ce pour les calculs BEM (trait interrompu) et notre modèle réduit (trait plein).