Le mécanisme de production du \( J/\psi \) dans les collisions élémentaires proton-proton n'est pas encore bien compris, et l’atténuation nucléaire du \( J/\psi \) dans les collisions p-A, paramétrée par \( R_{pA} \equiv \sigma_{pA}/A \sigma_{pp} \), pourrait constituer une observable supplémentaire pour démêler les différents modèles. Comprendre la suppression du \( J/\psi \) en p-A est aussi une condition sine qua non avant d'utiliser la production de \( J/\psi \) dans les collisions AA comme un signal du plasma de quarks et de gluons.
La physique de la suppression nucléaire du J/psi dépend de façon cruciale de la cinématique considérée. Lorsque le temps d’hadronisation du \( J/\psi \) thadro est beaucoup plus petit que la taille nucléaire \(L\), la suppression nucléaire provient de la section efficace d’absorption sigmaabs de l’état lié totalement formé dans le noyau. Lorsque \( t_{hadro} \gg L \), ce qui se propage à travers le noyau est une paire ccbar compacte et octet de couleur, et sigmaabs devient un paramètre non pertinant. Dans ce dernier domaine, les données de suppression nucléaire du \( J/\psi \) à différentes énergies de collision peuvent être expliquées dans un modèle simple [1, 2] basé sur la perte d'énergie partonique et dépendant d’un seul paramètre libre qhat. Dans la figure, les données E866 [3] en p-W (à gauche) et p-Fe (à droite) sont comparées au modèle de perte d'énergie (voir Ref. [1]).
La présence d'une grande perte d'énergie partonique (induite par le milieu) associée à la production de \( J/\psi \) peut être comprise comme suit. A grand \( x_F \), le rayonnement de gluon nécessaire à la neutralisation de couleur de la paire ccbar doit être assez mou par conservation de l'énergie, et la paire ccbar reste donc octet de couleur pendant un temps relativement long. En conséquence, à grand \( x_F \) le sous-processus partonique de hadroproduction du \( J/\psi \) ressemble à la diffusion à petit angle d'une charge de couleur. Le spectre de rayonnement associé est similaire au spectre de Bethe-Heitler (plus exactement à son analogue non-abélien) d'une charge asymptotique, et dépend de l’impulsion transverse qperp transférée à la charge. Le qperp typique est plus important en collisions p-A qu’en collisions p-p du fait de l’élargissement en impulsion transverse \( \Delta q_\perp^2 = \hat{q} L\). Le spectre de rayonnement induit par le milieu qui en résulte est similaire au spectre de Bethe-Heitler avec \( q_\perp^2\) remplacé par \( \Delta q_\perp^2\) [2], et la perte d'énergie (moyenne) est proportionnelle à l'énergie du quarkonium, \( \Delta E \propto E \). C’est la raison essentielle de l'augmentation rapide de la suppression (c'est-à-dire de la diminution de \( R_{pA} \) ) quand \( x_F \) augmente.
En résumé, l'étude de la Réf. [1] suggère que la perte d'énergie partonique est un effet dominant dans la suppression du \( J/\psi \) en collisions p-A. Ce scenario pourra bientôt être testé dans les collisions p-A au LHC.
Références
[1] F. Arleo and S. Peigné, arXiv:1204.4609 [hep-ph].
[2] F. Arleo, S. Peigné and T. Sami, Phys. Rev. D 83 (2011) 114036.
[3] M. J. Leitch et al. [FNAL E866/NuSea Collaboration], Phys. Rev. Lett. 84 (2000) 3256.