Sujet de thèse pour la rentrée 2017
Spéciation du tritium dans les échantillons de l’environnement
Spéciation du tritium dans les échantillons de l’environnement
Laboratoire Subatech, UMR6457, CNRS/IN2P3, Ecole des Mines de Nantes, Université de Nantes
CEA/DAM,DIF - F91297 Arpajon Cedex
Contexte
Le tritium (3H ou T), isotope radioactif de l’hydrogène, est un émetteur β pur, d’énergie maximum 18,6 keV, de période de demi-vie 12,3 ans dont l’inventaire permanent naturel est de 3,5 kg à l’échelle planétaire. Il se comporte principalement dans l’environnement selon le cycle de l’eau (HTO ou eau tritiée) et peut, lors de la photosynthèse, intégrer le métabolisme des molécules organiques dans les organismes vivants et former la fraction tritium organiquement lié (TOL)). Le TOL est communément séparé sous deux formes : le tritium lié aux atomes de carbone, qui est supposé non-échangeable (TOL-NE) et le tritium lié à un hétéroatome électronégatif (oxygène, azote et soufre) qui lui se veut échangeable (TOL-E)i. Cependant cette différenciation entre TOL-E et TOL-NE ne fait pas consensus et notamment, l’IAEA (International Atomic Energy Agency)ii propose dans son programme EMRAS une autre déclinaison. Cette dernière inclut sous le terme TOL-NE, à la fois le tritium lié aux atomes de carbone (Carbon Bound Tritium – CBT) et le tritium ‘‘enfoui’’ (Buried Tritium – BT), i.e. le tritium se trouvant en position échangeable dans des biomolécules mais inaccessible lors d’échanges isotopiques en raison de la géométrie des molécules considérées iii . La nature structurelle du tritium déclinée sous le terme TOL-NE fait donc débat dans la communauté, et ce non consensus peut rendre délicates les interprétations des résultats analytiques. De plus, l’analyse du TOL-NE implique une étape d’échange isotopique ou labile, qui se fait le plus souvent par le biais d’un bain d’eau atritiée. En effet, le TOL-E de l’échantillon solide, très labile, s’échange avec les atomes d’hydrogène de l’eau du bain. Cependant au cours de cette étape, l’échange isotopique n’est pas le seul processus engagé et il peut y avoir dissolution d’une partie des composés organiques, présents dans la matrice, contenant potentiellement des atomes de tritium non échangeables. Ceci peut avoir pour effet de sous-estimer la mesure du TOL-NE : une partie du TOL-NE s’ajoutant au TOL-E iv, v . Ces écarts entre les fractions d’échantillon solubilisé sont directement liés aux molécules constitutives de l’échantillonvi. De la même façon, au vue des mécanismes de solubilisation survenant lors de l’échange labile, les fractions CBT et BT peuvent également être sous estimées. Ces considérations sur la nature des liaisons entre l’hydrogène disponible et la matière organique revêtent une importance particulière lorsque l’on compare les niveaux de tritium dans la matière organique à ceux de tritium dans l’eau du milieu naturel environnant. Néanmoins cette vision macroscopique n’est pas toujours suffisante pour appréhender le comportement du tritium (mobilité, incorporation..) dans l’environnement. De ce fait, des études sur la spéciation du tritium dans l’environnement qui devrait permettre d’accéder à une information à l’échelle des « molécules porteuses » et ainsi mieux comprendre le devenir du tritium dans l’environnement seront menées en plein accord avec une des recommandations du Livre blanc du tritiumvii.
Objectif de la thèse
Afin de comprendre plus finement les mécanismes d’échanges des atomes d’hydrogène labile dans des matrices d’intérêt environnemental, un échange isotopique est proposé à l’aide d’une ligne de marquage d’échantillons au tritium en phase vapeur (par voie douce) viii-xi. Ce dispositif est constitué d’une boite à gants, dont la température et la pression partielle de vapeur - et donc le rapport (T/H) - sont contrôlées, connectée à un piège froid permettant de s’assurer de la stabilité du rapport (T/H). La ligne de marquage au tritium constitue une méthodologie innovante à fort potentiel permettant de déterminer la fraction d’hydrogène labile a dans la matière organique dans des conditions environnementales. Elle permet de s’affranchir d’une potentielle solubilisation de molécules organiques tout en réalisant un suivi cinétique de l’échange des atomes d’hydrogène entre l’échantillon et l’atmosphère de marquage. En posant l’hypothèsexii que la réserve d’hydrogène échangeable de la matière organique est en équilibre avec l’eau libre de l’échantillon, la connaissance de la fraction d’hydrogène labile a des matrices d’intérêt permet de remonter par calcul au TOL-NE.
Au niveau analytique, les résultats obtenus devraient permettre de déterminer si les divers phénomènes mis en jeu (échange isotopique, solubilisation de molécules constitutives) se compensent où sont synergiques et ainsi de vérifier pour les matrices étudiées si l’analyse du TOL-NE est entachée d’un biais ou non.
D’un point de vue plus fondamental, l’étude de la spéciation de l’hydrogène et la détermination de la fraction échangeable de l’hydrogène dans les matrices environnementales sont un préalable indispensable à l’amélioration des connaissances sur les temps de résidence des composés présents dans la matière organique tritiée.
A ce jour, ces deux thématiques sont encore mal maîtrisées et leur connaissance permettrait de mieux connaître les différents facteurs de transfert du tritium dans l’environnement constituant de fait le verrou scientifique fondamental du sujet de thèse de doctorat.
D’une manière générale, la participation à des congrès et la publication d’articles dans des revues scientifiques de rang A doivent mettre en avant l’expertise acquise par les laboratoires ces dernières années sur ces sujets très porteurs.
Profil recherché
Cette thèse comprend une forte composante expérimentale qui reste toutefois indissociable des travaux de « modélisation ». Elle s’adresse à un(e) étudiant(e) possédant de solides connaissances en chimie analytique et doté(e) d’un goût prononcé pour les aspects expérimentaux. Connaissance approfondie des techniques de chimie analytique et des outils statistiques associés. Bonne connaissance de l’outil informatique.
Autres informations
Laboratoires d’accueil :
SUBATECH / groupe de radiochimie http://www-subatech.in2p3.fr/fr/CEA/DAM/DIF http://www-dase.cea.fr/
Contacts :
Dr Olivier Péron, Tél : 02.51.85.85.28, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Dr Nicolas Baglan, Tél : 01-69-26-67-34, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Pour candidater, faire parvenir une lettre de motivation, un CV, vos relevés de notes et le contact d’une personne référente (ou une lettre de recommandation).
Références
[i] Kim S. B., Baglan N., Davis P. A., J. of Environmental Radioactivity; 126 (2013) 83-91.
[ii] EMRAS (Environmental Modelling of Radiological Safety) Program , Modelling the Environmental Transfer of Tritium and Carbon-14 to Biota and Man. Final Report, Tritium and Carbon-14 Working Group. IAEA, Vienna, Austria 2010.
[iii] Baumgartner F. Donhärl W. ; Anal. Bioanal. Chem; 379 (2004) 204-209.
[iv] Baglan, N., Ansoborlo, E., Cossonnet, C., Fouhal, L., Deniau, I., Mokili., M., Henry, A., Fourré, E., Olivier, A., Radioprotection 45 (3) : 369-390 (2010).
[v] Gontier, G., Siclet, F., Radioprotection 46 (2), 1-35 (2011).
[vi] Thèse de doctorat A. Bacchetta (2014), Université Pierre et Marie Curie
[vii] ASN, Paris, 2010
[viii] Péron, O., Pastor, L., Gégout, C., Fourré, E., Siclet, F., Montavon, G., Landesman, C. , Goldschmidt 2014, (Sacramento – USA)
[ix] Pastor, L., Péron, O., Gégout, C., Fourré, E., Siclet, F., Montavon, G., Landesman, C., Jean-Baptiste, P., ICRER 2014, (Barcelona – Spain)
[x] Péron, O., Gégout, C., Reeves, B., Pastor, L., Fourré, E., Siclet, F., Montavon, G., Landesman, C., REIMEI Workshop 2015, (Nantes – France)
[xi] Péron, O., Gégout, C., Reeves, B., Pastor, L., Fourré, E., Siclet, F., Landesman, C., Montavon, G., 15th Migration 2015 (Santa Fé – USA)
[xii] Jean-Baptiste, P., Fourré, E., Dapoigny, A., Baumier, D., Baglan, N., Alanic, G. Journal of Environmental Radioactivity 101 (2): 185-190 (2010).