La puissance résiduelle est la puissance thermique dégagée après l'arrêt du réacteur générée par les décroissances radioactives des isotopes du combustible et par les fissions retardées. L'estimation de la puissance résiduelle est un enjeu de sûreté important lors du fonctionnement du réacteur en cas d’accident mais également pour le transport du combustible usé et la gestion des déchets nucléaires pour les réacteurs actuels. Pour les réacteurs de génération IV, c'est un paramètre clé pour le design des systèmes de sauvegarde (passif ou actif) et l'utilisation de combustibles innovants. Il y a peu de mesures de puissance résiduelle de disponible. D'où la nécessité d’avoir à disposition des codes de calcul prédictifs avec également une estimation de l'incertitude associée au calcul. Le calcul de la puissance résiduelle repose sur le calcul de l'inventaire du combustible du réacteur au cours du temps avec un code d'évolution neutronique associé à la connaissance des propriétés de décroissance des produits de fission et des actinides mais aussi des rendements des produits de fission et des sections efficaces.

Le groupe Structure et Energie Nucléaire du laboratoire SUBATECH (SEN) réalise des calculs de puissance résiduelle avec le code Monte Carlo évoluant SERPENT2 développé au VTT en Finlande à la fois pour des pulses de fission, assemblages réacteurs à eau pressurisée ou concept de génération IV.

Depuis 2015, l’impact des nouvelles mesures TAS des énergies moyennes de décroissance β- et γ de certains produits de fission sur l'estimation de la puissance résiduelle pour des pulses de fission induite par des neutrons thermiques ou rapides est calculé avec le code SERPENT2.

 Pulse239Thermal EEM JEFF311 ImpactTAS Absolu

Figure 1 : Impact de l'ajout de 13 nouvelles mesures de spectroscopie réalisée avec la technique TAS (86,87,88Br, 91,91,94Rb,101Nb, 105Mo, 102,104,105,106,107Tc ) sur le calcul de la composante électromagnétique de la puissance résiduelle de la fission du 239Pu induite par des neutrons thermiques [1].

 

A l'inverse, des simulations de coeur de réacteurs de Gen IV (SFR, MSFR) sont développées avec SERPENT puis utilisées pour  déterminer la liste des produits de fission importants contributeurs à la puissance résiduelle, impactés par l'effet Pandémonium et qui pourront faire l'objet de nouvelles mesures avec la technique TAS et ainsi contribuer à l'amélioration des données de décroissance disponibles dans les librairies.

 SFR MOX

Figure 2 : Concept SFR MOX 3600 MWth modélisé avec SERPENT.

 

Afin de pouvoir dans le futur utiliser le code SERPENT2 pour calculer la puissance résiduelle et les incertitudes associées aux données nucléaires pour des concepts de Génération IV, des travaux sont en cours sur la validation et la qualification du code déjà dans un premier temps pour les réacteurs du parc actuel. Des comparaisons calculs/mesures de puissance résiduelle ont déjà été réalisées pour des assemblages de réacteur à eau pressurisée (Point Beach 2, San Onofre 1, Turkey Point 3, Ringhals 2 et 3) en couplant SERPENT notamment aux librairies suivantes : JEFF3.1.1, JEFF3.3 et ENDF7.1. Des travaux similaires sont actuellement en cours à la fois sur des assemblages de réacteur à eau bouillante mais également des comparaisons avec d'autres codes Monte-Carlo.

 Ringhals

Figure 3 : Comparaison entre des mesures de puissance résiduelle (M) pour des assemblages des réacteurs Ringhals 2 et 3 et des calculs (C) réalisés avec le code SERPENT 2 [2].

 

Les travaux réalisés au laboratoire sur le calcul de puissance résiduelle pour les concepts de Génération IV s’inscrit notamment dans la  collaboration MSFR (LPSC, IJClab, SUBATECH). Le MSFR (Molten Salt Fast Reactor) est un projet de réacteur à sels fondus en cycle Th/U ou U/Pu et spectre rapide initié par le laboratoire du LPSC depuis plus de 15 ans et auquel l’équipe SEN contribue depuis 2015. Le MSFR a été retenu en 2008 par Forum International Generation IV comme  concept à être étudié pour un futur réacteur à sels fondus.

 MSFR

Figure 4 : Schéma des différents systèmes composant un réacteur MSFR [3].

 

Ce réacteur, associé à une unité de traitement du combustible en fonctionnement, est basé sur un combustible liquide qui va circuler entre le coeur et des échangeurs de chaleur, ce liquide remplissant à la fois le rôle de combustible et de caloporteur.
Le projet européen SAMOSAFER lancé en 2019 a pour objectif d'évaluer le niveau de sûreté du réacteur à sels fondus MSFR et SUBATECH a la responsabilité de l'estimation du terme source de puissance résiduelle à la fois sur le coeur du coeur réacteur, l'unité de retraitement du réacteur et le système de vidange. Dans ce cadre, l'équipe SEN a défini et coordonne un benchmark neutronique de validation des outils de simulation ((CNRS, CEA, POLIMI, PSI) pour le calcul du terme source du risque de relâchement radioactif en situation d’accident grave.

En parallèle, des études sont en cours de développement sur  l'évaluation des incertitudes associées au calcul de la puissance résiduelle et notamment l'impact des données nucléaires en utilisant des méthodes d'analyse des incertitudes basées sur la méthode Total Monte-Carlo (TMC).

Contact :
Lydie Giot, Laboratoire SUBATECH, CNRS-IN2P3, 4 rue Alfred Kastler, 44307 Nantes, France, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Références :
[1] Beta-decay studies for applied and basic nuclear physics, A. Algora, J. L. Tain, B. Rubio, M. Fallot and W. Gelletly, accepté pour publication dans EPJA, 2020,  Communication privée L. Giot.
[2] L. Giot, H. Pitois, P. Savaloinen, Z. Guo. Decay heat calculations with JEFF librairies. JEFF Meetings, in NEA, Apr 2019, Paris, France. Hal–02409885.
[3] https://samosafer.eu/project/